Très estimés voisins,

Je regrette que nous n’ayons pas encore eu l’occasion de faire connaissance depuis votre investiture. Vous m’en voyez d’autant plus contrite que les relations de voisinage que j’entretenais avec le comte votre prédécesseur étaient excellentes. Restez assurés que j’entends bien réparer ce cruel manquement à l’étiquette.

C’est cependant une toute autre préoccupation qui m’amène à vous écrire ce jour. Voyez-vous, ma fille et héritière Alexandrine de Tassette a été odieusement enlevée il y a deux jours de cela. Je n’ai pas encore reçu de demande de rançon, mais mes agents ont pu remonter la trace des ravisseurs jusqu’à votre comté. Ne disposant d’aucune juridiction sur votre territoire, la poursuite a dû être momentanément suspendue. Aussi vous adresse-je la présente missive dans l’espoir que vous accordiez à mes troupes l’autorisation de pénétrer votre territoire afin de continuer leur enquête. Dans l’éventualité où vous seriez réticents à accéder à ma demande, car vous estimez qu’elle menace votre souveraineté, pourrais-je alors vous demander de mobiliser vos propres moyens pour retrouver ma fille ?

Il va de soi qu’un refus catégorique de votre part de chacune de ces deux options ne me laisserait d’autre choix que de vous considérer comme complices des ravisseurs, et je me verrais alors contrainte, à regret, de prendre les mesures s’imposant en pareil cas.

Quelle que soit la solution ayant votre préférence, je vous demanderais amicalement de bien vouloir éviter d’en référer au duc Léobin notre lige en ce regard de cette affaire. Il voit d’un mauvais œil l’union prochaine de ma fille avec l’héritier de l’archiduché d’Arche-Suche, et pourrait, bien que je ne l’espère pas, être impliqué dans l’enlèvement d’Alexandrine.

Comprenez bien que la situation est des plus pressantes et que j’attends votre réponse dans les délais les plus brefs. En espérant que vous saurez faire preuve de bonté et de compassion, veuillez agréer mes sentiments les plus distingués,

Comtesse Auréline de Tassette